Les soins virtuels recèlent le potentiel pour améliorer l’accès aux soins de santé des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes, surtout dans le contexte de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19).
La consultation par visioconférence est une approche bien étudiée pour la prestation des soins virtuels; elle a été utilisée avec succès pour évaluer, diagnostiquer et prendre en charge à distance cette population de patients.
Les programmes de soins virtuels qui fonctionnent ont souvent accès à des renseignements cliniques supplémentaires pour aider au diagnostic et mettent à contribution des équipes interdisciplinaires formées pour gérer la complexité des cas.
Les données sont insuffisantes en ce qui concerne les consultations virtuelles directes à domicile pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes; ce modèle est associé à des difficultés particulières qui devront entrer en ligne de compte à mesure que les soins virtuels se répandront comme façon de prodiguer des soins.
Pendant la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), l’Association médicale canadienne et les autorités sanitaires provinciales ont conseillé aux médecins d’offrir des soins virtuels à leurs patients lorsque c’est possible. Les soins virtuels, ou la télémédecine, se définissent comme « toute interaction entre patients, entre personnes qui participent à leurs soins ou entre membres de ces deux groupes ayant lieu à distance, utilisant une forme de technologie de l’information ou des communications et visant à améliorer ou à optimiser la qualité et l’efficacité des soins aux patients1 ». Ce mode de soins est de plus en plus utilisé pour surmonter les obstacles physiques à la prestation des soins afin, entre autres, d’en améliorer la disponibilité et l’accessibilité dans les régions rurales et éloignées2. Plus récemment, les mesures de distanciation physique rendues nécessaires par la pandémie sont devenues une raison impérative d’intégrer les soins virtuels aux infrastructures sanitaires existantes.
Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes (encadré 1) peuvent éprouver des difficultés particulières à accéder aux soins de santé qu’elles requièrent, par exemple, difficultés à reconnaître et à exprimer leurs besoins en matière de soins et à s’y retrouver dans les méandres du système de santé7,8. La pandémie de COVID-19 peut aggraver ces difficultés, car les patients qui se fient habituellement à des personnes pour vaquer à leurs occupations quotidiennes, telles qu’assurer leur transport ou les accompagner à leurs rendez-vous médicaux sont affectés de manière disproportionnée par les mesures de distanciation physique9. Tout changement à la routine ou aux formes d’aide habituelles peut aussi aggraver les symptômes neuropsychiatriques des patients, et le risque d’épuisement chez les proches aidants10–12. En outre, une évaluation de 2016 estimait que le nombre de personnes atteintes de démence allait presque doubler en 15 ans13, ce qui signifie qu’il faut de nouveaux modèles efficaces et économiques de prestation des soins pour cette population dans les meilleurs délais.
Maladie d’Alzheimer et démences connexes
L’atteinte cognitive couvre un large spectre qui va de l’atteinte cognitive légère3 à la démence, selon la gravité des déficits et leurs effets sur le fonctionnement quotidien. La maladie d’Alzheimer et les démences connexes forment un groupe de maladies neurodégénératives caractérisées par une perte cognitive progressive qui affecte le fonctionnement quotidien. La maladie d’Alzheimer, avec ou sans maladie vasculaire cérébrale, est la plus fréquente cause de démence4; les autres causes de démence incluent la démence à corps de Lewy5 et la dégénérescence lobaire frontotemporale6.
Les soins virtuels sont prometteurs pour ce qui est de surmonter plusieurs de ces difficultés tout en permettant aux patients de recevoir leurs soins en toute sécurité, à la maison ou au centre de soins de longue durée14. Mais le déploiement rapide et à grande échelle des soins virtuels doit se faire avec prudence. Nous passons en revue les publications touchant un large éventail de spécialités, dont la neurologie, la gériatrie et la psychiatrie, pour faire une synthèse des données probantes et des recommandations à l’intention des généralistes et des spécialistes qui adoptent une plateforme virtuelle pour soigner leurs patients atteints de démence, en tenant compte des obstacles potentiels à son adoption (encadré 2).
Données utilisées pour la présente revue
Nous avons interrogé les réseaux MEDLINE, Embase et PubMed pour recenser les articles pertinents publiés entre le 1er janvier 2000 et le 1er janvier 2021. À l’aide d’une stratégie portant sur des mots clés relatifs aux soins virtuels et à la démence, nous avons inclus tous les articles portant sur le recours aux soins virtuels pour une consultation clinique dans le but d’évaluer ou de prendre en charge l’atteinte cognitive légère, la maladie d’Alzheimer ou une démence connexe, mais non sur la téléréadaptation, les applications et appareils mobiles ou le soutien virtuel aux proches aidants. Nous avons passé en revue la documentation, organisé les données en catégories thématiques et synthétisé les résultats (voir annexe 1, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.201938/tab-related-content pour plus de détails sur la méthodologie). Compte tenu du nombre limité d’essais cliniques randomisés dans ce domaine, la majeure partie des données probantes de la présente revue provient d’études test–retest, d’études d’observation, et d’évaluations rétrospectives de programmes de soins virtuels. Les données probantes utilisées pour les recommandations au tableau 2 proviennent principalement de l’opinion d’experts et des avis issus d’études et de programmes de soins virtuels antérieurs.
Les consultations virtuelles conviennent-elles pour l’évaluation et le diagnostic des démences?
L’évaluation diagnostique d’un patient chez qui on soupçonne une possible maladie d’Alzheimer ou une démence connexe repose sur une anamnèse complète, la vérification de ses capacités fonctionnelles, une entrevue d’information avec un tiers, des examens cognitifs et neurologiques, en plus d’une revue des analyses pertinentes. Certains aspects du processus diagnostique cadrent mieux que d’autres avec la plateforme virtuelle. Le diagnostic clinique des démences repose sur une évaluation par des experts3,4, et selon des groupes de travail en téléneurologie, les démences pourraient se prêter à une évaluation à distance15.
Consultation par téléphone
Des outils d’évaluation cognitive par téléphone ont été utilisés dans des contextes épidémiologiques et cliniques16. L’entrevue téléphonique sur l’état cognitif (ou TICS, pour Telephone Interview for Cognitive Status), un instrument populaire inspiré du mini-examen de l’état mental (MEEM), est dotée d’excellentes sensibilité (94 %) et spécificité (100 %) pour le dépistage de la démence, présentant une bonne corrélation entre les scores du MEEM et de la TICS17. La TIC modifiée (TICS-M) peut être utile pour distinguer l’atteinte cognitive légère de la fonction cognitive normale parce qu’elle évalue le rappel verbal différé18,19, même si sa capacité de situer les cas dans tout le spectre de l’atteinte cognitive est limitée19. D’autres outils validés de dépistage de l’atteinte cognitive incluent des MEEM adaptés pour le téléphone et le t-MOCA (telephone-based Montreal Cognitive Assessment)16,20, même si ce dernier n’a été validé que chez les patients atteints de maladie vasculaire cérébrale21. Donc, même si l’approche téléphonique a été suggérée comme méthode efficace d’évaluation cognitive16,22, elle comporte des limites, telles que la difficulté d’évaluer l’atteinte visuospatiale et la capacité de nommer des objets. Finalement, pour un nouveau diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer ou d’une démence connexe, la consultation téléphonique risque de ne pas générer suffisamment de renseignements16,22.
Consultation par visioconférence
La consultation par visioconférence (CVC) est probablement le seul mode de télémédecine susceptible de pouvoir remplacer les examens en personne lors d’un nouveau diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou d’une démence connexe23. Une méta-analyse de 2017 a constaté que les scores aux tests neuropsychologiques obtenus par CVC sont comparables à ceux qu’on obtient en personne, même si on a noté plus de discordances quand les connexions Internet sont plus lentes et dans les cohortes plus âgées24. Une récente revue systématique a quant à elle révélé que l’atteinte cognitive et l’utilisation de méthodes d’évaluation non traditionnelles, y compris dans un environnement domestique et sans supervision, posaient des difficultés potentielles pour la validité des évaluations à distance de la fonction cognitive25. Même si les études individuelles sur les tests cognitifs montrent souvent une bonne fiabilité globale entre les évaluations en personne et par CVC26–36, leur généralisation est limitée car elles excluent souvent les patients qui ont de graves problèmes auditifs, visuels ou cognitifs27–29,31,34,37.
Une étude longitudinale rigoureuse a fait état de différences entre les scores obtenus par CVC et en personne seulement dans les cas d’atteinte cognitive grave. Les scores de ces derniers ont été moins bons à l’évaluation par CVC qu’en personne, ce qui laisse entendre que la prestation des soins virtuels favoriserait une surestimation des déficits cognitifs graves37. Le tableau 1 résume les données existantes qui comparent la CVC aux tests d’évaluation cognitive courants administrés en personne chez les patients ayant une atteinte cognitive. D’autres outils, comme l’échelle de dépression gériatrique (EDG)26 et l’évaluation des activités de la vie quotidienne, ont aussi été administrés par CVC avec fiabilité.
La consultation par visioconférence s’est révélée utile pour établir à distance un nouveau diagnostic clinique de démence28,40,41. Dans une petite étude de cohorte sur des patients présentant une atteinte cognitive non diagnostiquée, la précision de l’évaluation virtuelle de la démence a été mesurée en comparant les diagnostics posés en personne et par CVC. On a noté une excellente concordance entre les 2 modes diagnostiques40. Des études subséquentes sont arrivées à des conclusions similaires28,41. Par contre, dans ces études, les médecins avaient souvent accès à des renseignements supplémentaires, comme les résultats de tests neuropsychologiques41, d’évaluations fonctionnelles40 ou d’examens physiques40 préalablement réalisés en personne. Il est donc important de reconnaître les risques et les limites du diagnostic à distance posé sur la base de tests cognitifs et de critères cliniques originalement conçus pour des consultations en personne.
Des programmes de soins virtuels ont montré qu’il est possible d’intégrer la CVC pour améliorer l’accès et le diagnostic des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes qui vivent dans des communautés rurales42– 46. Dans ces programmes, les patients se rendaient à une clinique de soins virtuels près de chez eux pour avoir accès par CVC à un spécialiste d’un grand établissement de santé. Les programmes qui ont eu du succès reposaient sur des équipes interdisciplinaires capables de gérer la complexité des cas, les comorbidités médicales et psychiatriques et les besoins psychosociaux43–45. Étant donné qu’il faut pouvoir continuer de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer et les démences connexes en temps de pandémie de COVID-19, des guides de pratique clinique ont récemment été préparés pour le déploiement de cliniques de la mémoire virtuelles47.
Les consultations virtuelles conviennent-elles pour le suivi et la prise en charge?
La nature évolutive de la maladie d’Alzheimer et des démences connexes nécessite un suivi et une prise en charge continus des patients. D’autres obstacles à l’accès aux soins en personne peuvent se dresser à mesure que la maladie progresse, par exemple, déclin de la mobilité, désorientation croissante à la moindre modification de la routine habituelle, aggravation des symptômes neuropsychiatriques et dépendance accrue vis-à-vis des proches aidants. Les soins virtuels pourraient minimiser le dérangement occasionné par les consultations en personne chez cette population formée en majeure partie d’adultes âgés et fragiles.
Chez les personnes atteintes de démence, les programmes de soins virtuels ont montré la faisabilité des CVC pour commencer et gérer la prise des médicaments44,48–51, orienter les patients et les familles vers les services de soutien42,48,51, discuter d’enjeux de sécurité et de planification44,49,51, déterminer si d’autres analyses de laboratoire, épreuves d’imagerie ou tests neuropsychologiques sont requis42,48 et réévaluer les signes de déclin cognitif46,49. Par exemple, après avoir utilisé la CVC pour la prise en charge de leurs patients pendant 5 ans, les professionnels de la santé d’une clinique de la mémoire ont pu identifier ceux dont l’atteinte cognitive légère évoluait vers la démence46.
On ignore encore si les soins virtuels ont une influence sur les résultats cliniques; par contre, les études existantes révèlent d’autres avantages de cette approche. Un essai randomisé regroupant 1560 patients atteints de démence et leurs proches aidants a révélé que des consultations de suivi mensuelles par téléphone avec des équipes interdisciplinaires amélioraient la qualité de vie après 12 mois, comparativement aux soins usuels52. Dans une étude de cohorte prospective sur des patients atteints de démence, les changements des scores aux MEEM annuels entre les patients suivis par CVC et en personne ont généralement été similaires53. Ceux dont l’atteinte était plus bénigne dans le groupe suivi en contexte de soins virtuels ont présenté un déclin moins rapide à terme de leurs scores au MEEM comparativement au groupe suivi en personne, ce qui suggère que les patients ayant un déficit cognitif plus léger pourraient être plus sensibles aux bienfaits des soins virtuels53, tels que l’accès plus facile à des soins spécialisés ou à des consultations plus fréquentes. Les patients suivis par CVC ont aussi adhéré à leur traitement pharmacologique plus longtemps que les patients suivis en personne54. Finalement, la CVC a été utilisée pour améliorer les symptômes comportementaux et réduire les taux d’hospitalisation chez les patients atteints de démence vivant dans des établissements de soins de longue dureée55,56.
Que pensent les patients des soins virtuels pour la maladie d’Alzheimer et les démences connexes?
Pour assurer la viabilité des modèles de soins virtuels, il faut que les patients acceptent les soins virtuels et en soient satisfaits. Les adultes âgés atteints de ces démences semblent accepter les soins virtuels pour les évaluations cognitives; le taux de satisfaction à l’endroit des CVC est élevé37,40,43,44,57. Les patients, les proches aidants et les médecins ont aussi exprimé de forts taux de satisfaction à l’endroit des CVC utilisées pour les soins de suivi48,49,58. Les préférences quant aux modes de prestation des soins chez les patients varient de préférence à l’endroit des CVC au détriment des consultations en personne37,40, à absence apparente de préférence57. Les avantages des soins virtuels identifiés incluent la commodité et les gains de ressources et de temps, ainsi que l’accès amélioré aux soins spécialisés40,42–45. Calculs précis à l’appui, le déploiement des soins virtuels a généré des économies significatives sur les plans des coûts, du temps et du kilométrage48. La plupart des consultations virtuelles décrites dans les programmes de télémédecine s’effectuent avec succès, en dépit des obstacles identifiés quant à la satisfaction des usagers, obstacles qui ont souvent trait à des difficultés techniques (qualité du son ou de l’image)27,40,42.
Les soins virtuels permettent-ils d’évaluer et de prendre en charge les patients à la maison?
Les soins virtuels semblent prometteurs chez cette population de patients, mais à ce jour, la recherche sur les soins virtuels a surtout porté sur la CVC entre 2 établissements de santé. Ce modèle a l’avantage de disposer d’un personnel dûment formé sur place pour faciliter les consultations, en plus de se faire dans des conditions d’évaluation standardisées59. Il sera important de vérifier si les soins virtuels directs au patient à son domicile sont aussi prometteurs, particulièrement dans le contexte de la pandémie actuelle, qui impose un confinement pour des raisons de santé et de sécurité.
Peu d’études ont porté sur les CVC directes à domicile pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes26,60. Dans une étude, les évaluations de la démence ont été faisables et fiables chez les patients à domicile, mais la participation des proches aidants s’est révélée essentielle à la réussite des consultations26. Une autre étude récente a constaté que si on leur laissait le choix, la plupart des familles déclinaient l’offre de CVC à domicile pour le suivi de la démence en raison des difficultés d’accès à la technologie appropriée, au manque de littératie numérique et à l’absence de soutien à la maison pour faciliter la consultation. Ceux qui ont accepté les CVC à domicile s’en sont déclarés aussi satisfaits que des rencontres en personne60. Plusieurs cliniques ont aussi décrit leurs expériences du passage des soins en personne au modèle de soins par CVC directe à domicile chez les patients ayant une atteinte cognitive durant la pandémie51,61. Étant donné le manque de données probantes de qualité au sujet de l’approche par CVC directe à domicile, il faudra en évaluer l’utilisation plus attentivement chez cette population de patients.
Quels sont les principaux obstacles aux soins virtuels directs à domicile pour les patients atteints de démence?
L’interface virtuelle des CVC directes à domicile pour la démence comporte des limites. Les obstacles aux soins virtuels ont notamment trait à des enjeux technologiques, à la qualité du lien thérapeutique médecin-patient, au processus diagnostique et à la pandémie de COVID-19 (voir tableau 2 pour une liste des obstacles aux soins virtuels et les recommandations associées).
La majorité des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes sont des adultes âgés, plus susceptibles d’éprouver des difficultés face aux technologies numériques et aux services Internet requis pour réaliser des consultations virtuelles62,74. Le problème est plus marqué dans les régions rurales ou éloignées qui ne disposent pas des ressources nécessaires pour déployer des services de soins virtuels2. Outre les problèmes d’accès matériels, certaines personnes n’ont ni la littératie numérique nécessaire et ni la confiance en leur capacité d’utiliser l’ordinateur, l’Internet ou les plateformes de CVC, difficultés que viennent exacerber les atteintes sensorielles qui croissent avec l’âge70,75,76. Selon une volumineuse étude transversale américaine, 38 % et 20 % des adultes de 65 ans et plus ne se sentaient pas prêts pour la télémédecine par CVC et par téléphone, respectivement74. Les préférences des patients doivent entrer en ligne de compte lors du choix d’un mode de soins virtuels, et au besoin, il est possible d’utiliser le téléphone seul ou avec la CVC14,63,64. De plus, la présence d’une tierce partie, un proche aidant, par exemple, pour faciliter la consultation virtuelle est essentielle à la réussite des soins virtuels directs à domicile pour la démence et doit être envisagée lorsque les professionnels de la santé offrent de tels soins à cette population26,64,70.
Étant donné qu’elles reposent sur la transmission numérique et qu’elles se déroulent dans des environnements domestiques non régulés, les consultations virtuelles sont plus propices à la fuite de données. Les plateformes de soins virtuels doivent être sécurisées et proposer uniquement des soins de santé n’incluant aucune collecte de renseignements personnels, et malgré cela, des fuites de données peuvent se produire. À chaque consultation, il faut obtenir le consentement éclairé du patient ou de son mandataire relativement aux risques liés aux soins virtuels. Il faut aussi vérifier l’identité des patients à chaque consultation et leur demander de choisir un endroit discret pour la consultation14,64.
L’ajout d’un examen neurologique ciblé au cours de la consultation virtuelle pour évaluer la maladie d’Alzheimer ou une démence connexe n’a pas fait l’objet d’études rigoureuses. Même s’il n’est pas essentiel de procéder à un examen neurologique complet pour le diagnostic de l’atteinte cognitive légère ou de la maladie d’Alzheimer3,4, les limites de l’examen neurologique virtuel posent un problème particulier pour la reconnaissance des démences associées à une maladie vasculaire cérébrale ou aux démences atypiques du spectre de la maladie de Parkinson et des syndromes parkinsoniens, qui, à l’examen, peuvent s’accompagner de déficits focaux ou de signes extrapyramidaux, respectivement77. Cela dit, certains signes classiques du Parkinson peuvent être évalués visuellement et les soins virtuels ont été utilisés pour vérifier la fonction motrice de patients atteints de Parkinson idiopathique78. De récents articles proposent la conduite à tenir pour adapter l’examen neurologique à la plateforme virtuelle, même si ces façons de procéder doivent encore être validées72,73. Au bout du compte, les médecins doivent exercer leur jugement clinique et reconnaître les situations où les limites de la consultation virtuelle justifient un retour à la consultation en personne14,68.
Finalement, pour assurer la viabilité des soins virtuels, il faut veiller à corriger les iniquités quant à leur accès. Une récente analyse transversale réalisée aux États-Unis a révélé que des caractéristiques telles que la race, l’ethnicité, la langue, le revenu et le soutien d’un proche aidant jouaient un rôle majeur dans l’accès des patients âgés aux soins virtuels par visioconférence79. Il faut mettre en place des mesures pour assurer un accès uniforme aux soins virtuels, indépendamment des facteurs sociodémographiques.
Conclusion
Les soins virtuels évoluent rapidement et leur utilisation est appelée à se répandre au fur et à mesure des avancées technologiques pour répondre à la demande des systèmes de santé. La recherche dans ce domaine s’est accélérée par suite de la pandémie de COVID-19, or, de nombreuses questions demeurent (encadré 3). Selon les publications actuelles, les outils d’évaluation cognitive administrés par soins virtuels sont généralement fiables, le déploiement d’un système de soins virtuels pour l’évaluation et la prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des démences connexes est faisable et l’interface virtuelle semble bien acceptée. Étant donné les limites actuelles des soins virtuels, toutefois, la plupart des experts suggèrent si possible d’utiliser les consultations virtuelles en complément aux consultations en personne, plutôt qu’à leur place20,59.
Questions sans réponses
Les soins virtuels conviennent-ils à tout le spectre de l’atteinte cognitive et sensorielle, y compris aux patients les plus gravement atteints?
Les soins virtuels permettent-ils d’améliorer les résultats cliniques chez les patients atteints de maladie d’Alzheimer, de démences connexes et d’autres maladies neurodégénératives?
L’approche par soins virtuels directs à domicile est-elle faisable, acceptable et efficace pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes?
Les soins virtuels sont-ils équitablement accessibles à toutes les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes? Sinon, quelles mesures peut-on appliquer pour assurer un accès équitable?
La pandémie de COVID-19 a catalysé l’application à plus grande échelle des soins virtuels afin que les populations vulnérables puissent rester chez elles, en sécurité. Ultimement, si l’on veut surmonter les obstacles et faciliter l’adoption des soins virtuels pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes, il sera nécessaire d’offrir aux patients, aux familles et aux professionnels de la santé plus de soutien, une bonne accessibilité, des programmes d’éducation et d’autonomisation. Il faudra des efforts de collaboration entre médecins et patients, avec l’appui des infrastructures sanitaires existantes pour réussir le déploiement des soins virtuels et favoriser l’innovation dans ce domaine.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.201938
Intérêts concurrents: Mario Masselis déclare avoir reçu des subventions indépendamment des travaux soumis ici de la part des Instituts de recherche en santé du Canada, du Ministère du Développement économique et de la Croissance de l’Ontario, de l’Institut ontarien du cerveau, du Sunnybrook AFP Innovation Fund, de l’Alzheimer’s Drug Discovery Foundation, de la Fondation Brain Canada, du Stroke Foundation Centre for Stroke Recovery, du Weston Brain Institute, de Roche, de l’Université de Washington, d’Axovant et d’Alector. Il signale aussi avoir reçu des honoraires personnels indépendamment des travaux soumis ici de la part d’Arkuda Therapeutics, d’Ionis, d’Henry Stewart Talks, d’Alector, de Biogen Canada et de Wave Life Sciences. Il est également co-rédacteur pour Current Pharmacogenomics and Personalized Medicine. Aucun autre intérêt concurrent déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Tous les auteurs ont contribué à l’élaboration et à la conception des travaux ainsi qu’à l’acquisition, à l’analyse et à l’interprétation des données. Tous les auteurs ont participé à la rédaction du manuscrit, en ont révisé de façon critique le contenu intellectuel important, ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée, et l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
Financement: Mario Masellis a reçu du financement de l’Ontario Neurodegenerative Disease Research Initiative (ONDRI) pour la recherche, la rédaction et la publication de cet article. L’ONDRI reçoit des subventions de recherche de l’Ontario Brain Institute, une corporation sans but lucratif indépendante, financée en partie par le gouvernement de l’Ontario.
Avis: Les opinions, les résultats et les conclusions n’engagent que les auteurs et aucun appui de la part de l’Ontario Brain Institute n’est sousentendu ni devrait être inféré.
Il s’agit d’un article en libre accès distribué conformément aux modalités de la licence Creative Commons Attribution (CC BY-NC-ND 4.0), qui permet l’utilisation, la diffusion et la reproduction de tout médium à la condition que la publication originale soit adéquatement citée, que l’utilisation se fasse à des fins non commerciales (c.-à-d., recherche ou éducation) et qu’aucune modification ni adaptation n’y soit apportée. Voir: https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/deed.fr