La dénervation rénale (DNR), une intervention minimalement effractive, s’effectue au moyen de plusieurs techniques consistant à introduire un cathéter afin de perturber les signaux nerveux afférents et efférents entre le rein et le cerveau.
La DNR abaisse la tension artérielle systolique mesurée en cabinet médical de 4–6 mm Hg de plus comparativement au groupe témoin et est proposée en traitement complémentaire à la pharmacothérapie pour l’hypertension non contrôlée.
Les complications graves de la DNR sont rares; des complications mineures liées au point d’accès surviennent chez environ 5 % de la patientèle.
Pour être optimale, la DNR doit être réalisée par une équipe pluridisciplinaire comprenant des spécialistes de l’hypertension et des médecins interventionnels.
En 2021, on comptait environ 5,8 millions de personnes atteintes d’hypertension au Canada1. Malgré les pharmacothérapies disponibles, l’hypertension est une cause majeure de décès et d’handicap dans le monde et, au Canada, les taux de traitement et de contrôle reculent1. On dit que l’hypertension est contrôlée lorsque la tension artérielle (TA) mesurée en cabinet médical est inférieure à 140/90 mm Hg1. Actuellement, pour le tiers des personnes atteintes d’hypertension au Canada, elle n’est pas contrôlée1. Les causes possibles de l’hypertension non contrôlée sont la non-observance et la complexité du traitement, les effets indésirables des médicaments, l’inertie des médecins et l’hypertension résistante2.
Une méta-analyse de 48 études portant sur près de 350 000 personnes a montré qu’une baisse, légère en apparence, de 5 mm Hg de la tension artérielle systolique (TAS) sur 4 ans de suivi diminuait le risque d’événement cardiovasculaire grave de 10 %3, et qu’une baisse plus importante améliorait encore plus les résultats cardiovasculaires.
Qu’est-ce que la dénervation rénale?
Des études ont démontré le rôle du système nerveux sympathique dans la régulation de la fonction des reins, fortement innervés, et de la TA4,5. En cas d’hypertension non contrôlée, l’hyperactivité sympathique entraîne une hausse de la sécrétion de rénine, ce qui augmente la volémie et le tonus artériel4. Les fibres nerveuses afférentes et efférentes des reins longent les artères rénales dans le tissu adipeux périvasculaire.
La dénervation rénale (DNR), une intervention minimalement effractive, s’effectue au moyen de plusieurs techniques consistant à introduire un cathéter afin de perturber les signaux nerveux afférents et efférents entre les reins et le cerveau. Elle diminue la TAS mesurée en cabinet médical de 4–6 mm Hg de plus, en moyenne, que ce qu’on observe dans le groupe témoin, et est proposée en appoint à la pharmacothérapie aux personnes atteintes d’hypertension non contrôlée5.
Comment le traitement est-il administré?
L’intervention est réalisée par un médecin interventionnel chevronné sous guidage fluoroscopique en salle de cathétérisme interventionnel. Le cathéter est introduit dans l’artère fémorale commune et acheminé jusqu’aux artères rénales de la personne, sous sédation consciente profonde.
Il existe plusieurs technologies de DNR. Le cathéter de DNR à plusieurs électrodes (p. ex., celui de Medtronic) génère simultanément des radiofréquences à 4 électrodes en or déployées en spirale sur la paroi artérielle (figure 1A)4. Pour réduire au minimum les effets thermiques, le dispositif laisse le sang circuler pendant la libération de l’énergie pour refroidir les artères et les électrodes. Le traitement cible l’ensemble des artères rénales accessibles au diamètre compris entre 3 et 8 mm, dont les ramifications et les artères accessoires4.
Le système de DNR par ultrasons (p. ex., celui de ReCor Medical) émet des ultrasons pour procéder à l’ablation thermique des nerfs rénaux (figure 1B)4. Le cathéter est inséré dans les artères rénales principales et entouré d’un ballon rempli de solution saline à faible pression permettant un cercle d’ablation circonférentiel. Les parties distale, médiane et proximale de chaque artère rénale principale sont traitées séquentiellement pendant 7 secondes.
La DNR par injection d’alcool (p. ex., Ablative Solutions) consiste en une injection d’alcool déshydraté dans l’espace périvasculaire des artères rénales principales et des grosses artères accessoires (4–7 mm) (figure 1C) à l’aide de 3 longues microaiguilles rétractables, ce qui cause une dégénérescence nerveuse4.
Quelles sont les données probantes?
En 2014, la publication des résultats de l’étude SIMPLICITY HTN-3, qui ne démontraient pas de baisse significative de la TA après la DNR (figure 2), a mené à un quasi-abandon de l’intervention4. Cela dit, la technologie, les techniques procédurales, et les résultats d’autres essais cliniques se sont améliorés depuis. Une série d’essais cliniques randomisés employant des technologies de deuxième génération (figure 2) ont montré que la DNR abaissait la TAS de 5–10 mm Hg par rapport à la TA de référence, soit un effet équivalent à la prise de 1 ou 2 médicaments, avec et sans médicaments antihypertenseurs4,5.
Dans le cadre de l’essai randomisé SPYRAL HTN-OFF MED, 331 personnes (TAS 140–170 mm Hg) qui ne prenaient pas de médicaments ont reçu une DNR par ultrasons ou une procédure factice. À 3 mois, la diminution de la TAS ambulatoire sur 24 heures par rapport à la valeur de référence était plus forte avec la DNR qu’avec la procédure factice (−4,7 mm Hg c. −0,6 mm Hg, p = 0,0005)5. Dans le cadre de l’essai randomisé SPYRAL HTN-ON MED, 337 personnes prenant 1–3 médicaments antihypertenseurs ont reçu une DNR par ultrasons ou une intervention factice6. À 6 mois, la DNR a abaissé la TAS mesurée en cabinet médical (−9,9 mm Hg c. −4,9 mm Hg, p = 0,001), mais le paramètre principal de la TAS ambulatoire sur 24 heures n’était pas significativement différent dans les 2 groupes, ce qui pourrait s’expliquer par un recours accru aux antihypertenseurs dans le groupe témoin et à des différences de monitorage de la TA ambulatoire entre les groupes durant la pandémie de la COVID-19. Aucun incident thérapeutique majeur lié à la DNR n’a été observé dans les 6 mois.
Le système de DNR par ultrasons a été évalué avec antihypertenseurs (RADIANCE-HTN TRIO) et sans antihypertenseurs (RADIANCE-HTN SOLO) (figure 2)5. L’étude randomisée RADIANCE II, de taille supérieure, a administré une DNR par ultrasons ou une intervention factice à 224 personnes (2:1) ne prenant pas d’antihypertenseurs7. À 2 mois, la baisse de la TAS ambulatoire diurne était plus forte dans le groupe de la DNR par ultrasons (−7,9 [écart type 11,6] mm Hg) que dans le groupe témoin (−1,8 [écart type 9,5] mm Hg), avec une différence entre les groupes, ajustée selon la valeur de référence, de −6,3 mm Hg (intervalle de confiance de 95 % −9,3 à −3,2 mm Hg, p < 0,001). Aucun incident thérapeutique majeur lié à la DNR par ultrasons n’a été observé dans les 6 mois.
Enfin, la DNR par injection d’alcool fait actuellement l’objet d’un essai en phase préliminaire sur des personnes prenant et ne prenant pas d’antihypertenseurs4,5.
Il n’y a pas eu de comparaison puissante et directe des différentes méthodes de DNR. Tous les essais réalisés montrent un effet « permanent » de l’intervention, soit une baisse constante de la TA en 24 heures2,5,7. Ces résultats ont des retombées importantes pour la non-observance et les lacunes des traitements médicamenteux tels que le coût, la polypharmacie et les effets indésirables. En outre, plusieurs études ont révélé une diminution du nombre de comprimés post-DNR2,5. Les données tirées de registres et d’essais contrôlés par intervention factice indiquent que les résultats durent 36 mois et plus5.
Il est difficile de prédire la réponse à la DNR en raison de la variabilité de l’hyperactivité sympathique, au départ ou après l’ablation nerveuse; de 10 %–30 % de la patientèle ne répond pas, au moins initialement, à l’intervention, et de 20 %–30 % a une réponse supérieure à la moyenne. Dans le registre Global Simplicity portant sur 3077 personnes ayant reçu la DNR par ultrasons, une réponse élevée de la TA à la DNR après 6 mois, définie par une augmentation de 10 % du temps passé dans la plage thérapeutique (TAS mesurée en cabinet médical < 140 mm Hg) par rapport au temps passé dans la plage thérapeutique avant la DNR, est associée à une diminution significative du nombre d’événements cardiaques majeurs (15 %), de décès d’origine cardiovasculaire (11 %), d’infarctus du myocarde (15 %), et d’AVC (23 %) de 6–36 mois après l’intervention8. Pour le moment, il n’existe pas de méthode simple et reproductible de quantification de l’hypertension médiée par le système sympathique avant la DNR ni de marqueur intraprocédural fiable de succès de la DNR4,7. Peu de DNR successives ont été effectuées.
Quels sont les critères d’admissibilité à la DNR?
L’hypertension résistante, définie comme une TA supérieure à 140/90 mm Hg malgré la prise de 3 agents hypotenseurs ou plus9, est une sous-catégorie de l’hypertension non contrôlée. La nonobservance est une raison majeure du manque de contrôle (40 %)2. La dénervation rénale pourrait bientôt devenir une option pour les personnes atteintes d’hypertension non contrôlée qui n’est pas due à des causes secondaires ou au syndrome de la blouse blanche, et dont le traitement a été optimisé.
Parmi les facteurs à considérer avant le traitement par DNR, citons l’hypertension non contrôlée (TA mesurée en cabinet médical > 150/90 mm Hg malgré un traitement conforme aux lignes directrices, dont des changements comportementaux et 1–3 médicaments); un risque cardiovasculaire ou de lésion aux organes vitaux élevé (p. ex., dommages au cœur, aux reins ou au cerveau, maladie artérielle périphérique); la prise de décision partagée au sujet des risques, des avantages et des circonstances dépendant des déterminants sociaux de la santé (p. ex., revenu faible, difficultés à suivre un traitement médicamenteux complexe); et la confirmation de l’admissibilité par une personne spécialiste de l’hypertension et un médecin interventionnel. Les critères d’exclusion des essais cliniques étaient la dysplasie fibromusculaire rénale, une sténose artérielle rénale supérieure à 50 %, l’implantation d’une endoprothèse dans l’artère rénale dans les 3 derniers mois, un débit de filtration glomérulaire estimé de moins de 40–45 mL/min/1,73 m2, la présence d’un seul rein fonctionnel et les antécédents de transplantation rénale.
Notre modèle de soins privilégié pour la DNR comprend la réalisation de l’intervention dans un centre d’hypertension interventionnel d’excellence par des spécialistes de l’hypertension et des médecins interventionnels expérimentés (cardiologue, radiologiste, chirurgienne ou chirurgien vasculaire) capables de sélectionner les personnes candidates à la DNR, d’utiliser correctement la technologie, et de fournir des soins de qualité (figure 3)2,5.
Quels sont les risques?
Les études sur la DNR n’ont pas relevé de risques supérieurs liés aux dispositifs ou à l’intervention par rapport au groupe témoin (tableau 1). Les risques liés à l’intervention sont principalement associés au cathétérisme des artères fémorales (tableau 1)5.
Quelles sont les ressources nécessaires?
Le coût exact de la DNR n’est pas encore déterminé. La plupart des interventions demandent environ 2 heures en salle d’intervention, des cathéters de DNR, une console et l’équipement standard utilisé pour l’accès vasculaire percutané et les interventions rénales (coût d’intervention estimé: 10 000 $–15 000 $). Les patientes et patients peuvent passer 1 nuit à l’hôpital après une DNR pour surveiller la TA et corriger le traitement hypotenseur, au besoin.
Que nous réserve l’avenir?
La DNR est approuvée par les instances de réglementation de 60 pays, et est en cours d’évaluation en Amérique du Nord10. Récemment, un document de consensus européen a approuvé la DNR comme traitement d’appoint de l’hypertension non contrôlée5. À l’avenir, des données d’efficacité et d’innocuité à plus long terme seront publiées, et des recommandations canadiennes sur le rôle des traitements de l’hypertension par cathétérisme seront vraisemblablement élaborées. Par ailleurs, d’autres systèmes de DNR entreront sur le marché. En outre, on s’attend à un perfectionnement des techniques avec, par exemple, le recours à l’artère radiale pour réduire les complications liées à l’accès vasculaire. La DNR sera étudiée chez des populations atteintes d’hyperactivité sympathique, y compris en association avec l’insuffisance rénale chronique, l’insuffisance cardiaque, ou la fibrillation auriculaire4.
La DNR est une intervention par cathétérisme innovante pour les personnes atteintes d’hypertension non contrôlée. Elle pourrait être une option thérapeutique importante pour optimiser les soins des personnes atteintes d’hypertension non contrôlée, présentant une intolérance aux médicaments ou qui refusent de suivre un traitement médicamenteux à vie, ou n’y parviennent pas. La technologie pourrait être associée au traitement médicamenteux et aux changements comportementaux. L’approbation de la DNR au Canada a le potentiel d’améliorer fortement la prise en charge clinique des personnes atteintes d’hypertension non contrôlée.
Footnotes
Intérêts concurrents: Sheldon Tobe déclare avoir été rémunéré par la société Medtronic Canada. Andrew Dueck déclare avoir été rémunéré à titre de témoin expert au sujet de brevets portant sur des séquences d’imagerie par résonance magnétique pour l’évaluation de plaques des artères périphériques. Il est titulaire de la chaire Maggisano en chirurgie vasculaire. Mina Madan déclare avoir participé à un comité consultatif pour la société Medtronic Canada. Aucun autre intérêt concurrent n’a été déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Tous les auteurs et autrices ont contribué à l’élaboration et à la conception du travail. Erez Marcusohn et Mina Madan ont rédigé l’ébauche du manuscrit. Tous les auteurs et autrices ont révisé de manière critique le contenu intellectuel important, ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée, et ont accepté d’être responsables de tous les aspects du travail.
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