Voir la version anglaise de l’article ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.231476; voir l’article connexe ici : www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.230665-f
C’était un soir où j’avais donné rendezvous à quelqu’un qui m’a agressé. J’ai décidé d’aller au service des urgences. À l’accueil, j’ai tout de suite expliqué la raison de ma présence et j’ai précisé que je me définissais comme un homme trans. J’ai indiqué le nom et les pronoms que je préférais, en mentionnant que certaines informations sur ma carte d’assurance maladie ne correspondaient pas à mon identité. Après un très long silence, l’infirmière et le commis ont seulement répondu « OK ».
Une personne venait de temps en temps vérifier qui attendait encore pour voir un médecin, utilisant systématiquement mon morinom, alors que je lui répétais chaque fois mon prénom choisi. Le médecin que j’ai fini par voir a aussi utilisé mon morinom et m’a mégenré. L’ensemble du personnel avait un comportement très particulier envers moi; une personne m’a même ri au nez quand je l’ai corrigée.
Le prénom de ma mère est Elizabeth, mais son prénom usuel est Liz, et c’est le nom qu’elle donne à l’hôpital. J’ai fait la même chose, en demandant à tout le monde de m’appeler Alex, un diminutif de mon morinom… Mais personne ne l’a fait. Tout le personnel utilisait mon morinom complet et me mégenrait.
Pendant mon passage à l’hôpital, j’ai vu l’infirmière spécialisée en matière d’agressions sexuelles. J’avais une lacération anale, mais elle a voulu faire un examen vaginal. Je ne voulais pas, car j’estimais qu’en plus de me mettre mal à l’aise, le geste n’était pas justifié sur le plan médical. Elle a énormément insisté et avait l’air mécontente que je refuse.
Si je devais résumer l’attitude du personnel, je dirais que tout le monde se contentait de me percevoir comme une femme confuse, et non comme un homme trans. Je venais de vivre un événement extrêmement traumatisant et mon expérience au service des urgences en rajoutait une couche. Dans ma communauté, le mégenrage délibéré est considéré comme du harcèlement. C’est épuisant d’éduquer les gens et de faire face à de l’ignorance en permanence.
Je me rends compte que les gens ont parfois tendance à faire des blagues ou des commentaires inappropriés. Une exinfirmière d’un service des urgences m’a déjà dit qu’au moment d’insérer une sonde urinaire à une personne trans, elle lui avait dit sur un ton désinvolte : « On ne sait jamais ce qu’on va trouver sous le pantalon des personnes trans! ».
Heureusement, mon médecin de famille me comprend. Quand je lui ai raconté mon expérience au service des urgences, il m’a dit qu’il croyait qu’il était très important que je voie mon dossier, et me l’a montré. Sur ses conseils, j’ai aussi déposé une plainte. Il s’est assuré que j’allais bien physiquement, mentalement et émotionnellement après cette épreuve. Cela fait six mois que j’ai soumis ma plainte, et je n’ai toujours pas reçu de réponse.
Cela dit, après un récent accident de vélo, je suis allé à une clinique de soins d’urgence qui, selon moi, encourageait un comportement approprié. À l’accueil, des écriteaux aux couleurs du drapeau inclusif annonçaient « nous tenons à vous appeler par les bons pronoms ». Les patients et patientes devaient préciser leurs pronoms et l’indiquer si leur genre ne correspondait pas à l’information sur leur carte d’assurance maladie. J’ai trouvé ça formidable, d’autant plus que la question n’était pas posée uniquement aux personnes ayant l’air d’être transgenres ou de genre non conforme, mais à tout le monde, afin d’éviter toute confusion. Il s’agit d’une première étape chaleureuse, qui permet à la personne de dire d’emblée que « oui, je suis une personne transgenre » et que « je sais que ma carte d’assurance maladie indique toujours que je suis une femme, mais je suis un homme trans ».
C’est une chose de mettre ces mesures en place, mais il faut aussi les appliquer. Sur mon dossier hospitalier, il était écrit : « femme s’identifiant comme un homme; elle présente… » Il faut utiliser les bons pronoms. Il faut vraiment respecter l’identité des personnes. C’est inacceptable de lever les yeux au ciel et de les mégenrer dans leur dossier. — Alexander Watson
Footnotes
Cet article n’a pas été révisé par des pairs.
Nous avons obtenu le consentement de la personne concernée pour présenter ce point de vue.
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